Renan Larue, professeur de littérature française à l’Université de Californie, a récemment publié le livre Le Végétarisme et ses ennemis. Vingt-cinq siècles de débats. Disponible en ligne et en librairie, Le Végétarisme et ses ennemis retrace l’histoire de la longue querelle qui, en Occident, opposa et oppose encore les partisans du carnisme aux végétariens/véganes.
En effet, les discussions enflammées et belliqueuses qu’on retrouve sur les forums ou dans les commentaires sur Facebook ne datent pas d’hier, ni même d’avant-hier. Les carnistes d’aujourd’hui avec leur « Hitler était végétarien » ou « on a des canines pour manger de la viande » ou encore « on s’occupera des animaux quand tous les enfants auront à manger » n’ont pas inventé grand-chose. Ils sont seulement la version actuelle d’un discours carniste qui se fait entendre depuis l’Antiquité à chaque fois que des hommes et des femmes choisissent de ne pas faire souffrir inutilement des êtres sensibles.
Renan Larue nous emmène d’abord dans la Grèce antique et rapporte comment furent moqués les disciples d’Orphée et de Pythagore ; il rend compte des plaidoyers végétariens et même véganes et montre combien le refus de manger de la viande avait alors des conséquences extrêmement importantes. Car plaider la justice et la compassion envers les animaux impliquait de refuser le sacrifice sanglant et l’ensemble des institutions politiques et religieuses. Le végétarisme pouvait vous faire passer pour un moyen citoyen. Demandez à Sénèque, par exemple, ou à Porphyre !
Le voyage se poursuit avec une étude sur le judaïsme et le christianisme, qui, depuis ses origines, qui s’est montré féroce avec ceux qui ne veulent commettre aucune violence envers les bêtes. Pour Renan Larue, la méfiance et même les excommunications subies par les végétariens et les véganes s’expliquent par le fait que les théologiens n’ont jamais supporté que l’on puisse se montrer plus charitable que Jésus envers les animaux. Le Christ était spéciste et carnivore : il fallait l’imiter en tout point et ne pas croire que la compassion puisse concerner également les individus non-humains.
La troisième partie du livre est consacrée à ce que Renan Larue appelle la « renaissance végétarienne » et qui irait du XVIIIe siècle jusqu’au XIXe siècle. Pour lui, c’est à cette époque que le végétarisme renaît de ses cendres, grâce aux écrits de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau et de quelques autres. L’invention des mots « végétarisme » et « végétarien » et la création de la « Vegetarian Society » en Angleterre au milieu du XIXe siècle est un peu symbole de ce renouveau. Mais très vite, plusieurs membres éminents de cette société, dont Gandhi, considèrent que le végétarisme en lui-même est insatisfaisant… il ne faut pas seulement bannir la viande ou le poisson, mais l’exploitation des animaux ; il ne faut pas que les cages soient plus grandes, mais vides.
La quatrième et dernière partie du livre est le récit de la création de la Vegan Society et du succès grandissant du véganisme à travers le monde. Certes, de nombreux intellectuels tentent encore de protéger leurs privilèges spécistes, mais on sent que le vent est en train de tourner. Pour toutes les raisons que l’on connaît (santé, environnement, éthique animale), mais aussi d’autres qui concernent la sociologie ou la psychologie, il est fort probable que le XXIe siècle soit le théâtre de l’une des plus grandes avancées morales de nos sociétés humaines : l’adoption du véganisme. Tel sera, espérons-le, le dernier et le plus beau chapitre de notre histoire.
Bref, ce livre, qui nous fait découvrir des faits absolument fascinants sur l’histoire du végétarisme en Occident, et s’avère une lecture essentielle pour toutes celles et tous ceux qui s’intéressent au végéta*isme.
Il est à noter que Dr. Renan Larue passera l’été à Montréal et sera disponible pour accorder des entrevues aux médias québécois. N’hésitez pas à passer le mot si vous connaissez des médias qui pourraient être intéressés à l’interviewer.
Le végétarisme et ses ennemis : Vingt-cinq siècles de débats, Presses Universitaires de France, 2015, 324 pages. 37,95$. www.puf.com/Autres_Collections:Le_végétarisme_et_ses_ennemis